HIMOTÉS : L’AMOUR, C’EST NUL !

HIMOTÉS : L’AMOUR, C’EST NUL !
TEXTE JULIE TERRASSON
PHOTOGRAPHIE MATHILDE MARC

Louise de Ville, 2013, © Mathilde Marc

Au Japon, ils seraient plus de 50 000 à revendiquer le fait d’être Himotés : « impopulaires » en VF. Pour cette communauté, rejetant le modèle de la vie de couple, le célibat n’est plus une fatalité mais un choix ! Les Himotés voient le jour en 2008, au lendemain de la Saint-Valentin. Dégouté par les boîtes de chocolats qui coûtent une fortune et les cartes roses niaises en forme de cœur, Egami crée le premier réseau social appelant au boycott de l’Amour. Composés majoritairement d’hommes de 20 à 40 ans, les Himotés critiquent le sexisme nippon envers les hommes qui consiste à dire qu’on ne peut plaire aux femmes sans argent ni un physique de séducteur. Pour les impopulaires, peu importe tout ça, l’essentiel est de ne pas être « Readju » : « satisfaits par la vie réelle ». Plutôt que d’encourager à trouver l’Amour à tout prix, le site flatte la gaucherie, l’asociabilité, voire la laideur de ses membres ! Pour faire partie de cette confrérie hors-norme, la règle de fer est la suivante : il faut être célibataire. Toute personne qui tombe amoureuse sera bannie du site après y avoir été lynchée verbalement pendant une semaine. Ceux qui résistent aux tentations deviennent alors « Mo-dan » pour les garçons impopulaires, « Mo-djo » pour les filles, « Gardiens de la Maison » lorsqu’ils sont sans emploi ou encore « Mahotsukai » ou « Magiciens », pour ceux qui sont vierges passé la trentaine, devenant alors dotés de pouvoirs surnaturels…

Egami : « Ce n’est pas qu’on ne veut pas se marier ou qu’on ne veut pas d’enfants. C’est qu’on ne plaît pas. Et nous, qui ne plaisons pas, comment vivre de façon joyeuse quand même ? »

Webdesigner de 25 ans, Egami est devenu le Pape des puceaux de l’Amour. Après avoir conçu des centaines de sites internet, c’est avec sa plateforme dédiée aux Himotés qu’il crée le buzz. En moins d’un mois, plus d’une dizaine de milliers d’adeptes se sont déjà précipités. Depuis, il enchaîne les sites à son effigie qui proposent pour la modique somme de 30 euros de le louer pour une sieste chez soi ou encore de gribouiller son visage sur internet… S’il affirme être puceau et rêver vouloir être « magicien », Egami avoue cependant être déjà allé voir des prostituées !

Taka Kato : « Vous vous demandez si vous êtes doués pour l’Amour ou pas, si votre sexe est trop petit, n’est-ce pas ? Le problème c’est que vous voulez mettre des buts, mais que vous n’avez même pas de ballons ! »

Une fois par mois, le dimanche après-midi, Egami organise des rassemblements offline, en plein cœur de Kabukicho à Shinjuku, quartier tokyoïte des clubs chauds et des yakuzas. Pour les plus timides et ceux qui complexent sur leur visage, des sacs en papier avec des trous pour les yeux sont distribués à l’entrée. Ici, la drague est fortement interdite, les Himotés s’adonnent en toute amitié à leur activité favorite : jouer au jeu de carte bien nommé « UNO ». Afin de répondre aux questions de ces puceaux en mal de connaissances, Egami avait invité la star du porno Taka Kato à jouer les maîtres de conférence. À 50 ans, celui qui se fait appeler « Goldfinger », alias l’homme aux doigts d’or, dont on a commercialisé des répliques en silicone, en connaît un rayon sur les femmes…

Louise de Ville, 2013, © Mathilde Marc

Prussian Blue

A propos de l'auteur

Une revue se définit avant tout par sa ligne éditoriale. Celle de Prussian Blue est singulière : montrer au public ce qu’il ne voit pas d’ordinaire... @lemondedelart

A propos du photographe

Mathilde Marc est devenue photographe après avoir étudié les arts et le cinéma à Rennes, Bruxelles, Montréal et Paris. Elle est également réalisatrice. Elle participe régulièrement aux Cahiers du Cinéma.