TROIS QUESTIONS À VANESSA NESSREN

TROIS QUESTIONS À VANESSA NESSREN

ENTRETIEN GUILLAUME DE SARDES

– Comment êtes-vous venue à la photographie ?
Depuis mon enfance, je tourne autour d’elle. Toute petite, on a volé les albums de mon père. Quand j’ai grandi, cela a créé un manque : toutes ces photos que je n’avais qu’entraperçu… J’ai d’abord détesté et fui l’objectif. À l’adolescence, l’envie est venue de le séduire, de jouer avec lui, de l’apprivoiser. Nous nous sommes entendus de mieux en mieux. Lors de la naissance de mon deuxième enfant, je me suis offert mon premier Nikon, et j’ai enfin osé photographier. C’est alors que j’ai croisé le chemin du photographe Robert Bilbil Billsky qui, patiemment, m’a enseigné la technique, tout en m’encourageant. Mon travail est fondé sur l’intuition, l’œil mécanique fusionne avec moi, donne forme à mes sensations et à ce que j’ai à l’esprit.

– Vous sentez-vous influencée par d’autres artistes, qu’ils soient photographes ou qu’ils utilisent un autre medium ?
Comme je suis curieuse, je visite beaucoup d’expositions et je m’en nourris. D’une nature entière, je suis touchée ou ne le suis pas. Ceux qui me touchent deviennent mes « pairs », des artistes avec lesquels je me sens une communauté d’âme. Je pourrais citer Koudelka, Sergio Larrain, Sally Mann, Gary Winogrand, William Klein, Louis Faurer, Henri Cartier-Bresson, et tout aussi bien des chanteurs, des écrivains, des musiciens, des peintres, des cinéastes, des artistes de cirque, des poètes, des danseurs… Dans les images des autres je trouve ainsi l’énergie d’avancer sur mon propre chemin. Mais il ne s’agit pas vraiment d’influences. Je crois savoir ce que j’ai à explorer. Mes idées fusent, je les accueille, les trie, les organise. En même temps, je n’imagine pas mon art sans passion : j’y inclus ma vie, mes affects, pour arriver à une forme d’intelligence émotionnelle. Pour mettre en œuvre tout ce que je voudrais, il me faudrait trois vies ! Je fais confiance à mon instinct et à la grâce de l’imprévisible.

– Quels sont les thèmes qui traversent votre travail ?
L’enfance, d’abord, incontestablement : « Little Players » a été ma toute première exposition. Le cirque aussi, merveilleusement. La rue, telle quelle, comme je la ressens. La vie des gens du voyage, une belle liberté brute qui me parle et me fascine. À chaque thème j’associe ma féminité, de la sensualité, parfois une subtile provocation. Je pratique aussi l’autoportrait, qui est peut-être un peu égocentrique, mais qui permet de livrer quelque chose d’intime avec une grande liberté artistique. Ma photo évolue et va continuer à évoluer, puisque je suis constamment à l’écoute de tout ce qui m’entoure. Un thème nouveau peut me transporter – comme ce projet auquel je travaille en ce moment mais que je garde encore secret.

 

Guillaume de Sardes

A propos de l'auteur

Guillaume de Sardes est écrivain, photographe et vidéaste. Il dirige la rédaction de Prussian Blue.