THIERRY JADOT : JOURS DE CHINE

THIERRY JADOT : JOURS DE CHINE

Il y a quelques mois, Thierry Jadot faisait la couverture de Prussian blue, à l’occasion d’un dossier spécial sur la Chine. Aujourd’hui, un choix de ses photos est à l’honneur à la Maison de la Chine. Beau destin pour des images prises il y a trente ans, dans l’euphorie de la découverte et d’un pays qui s’ouvrait sur le monde et sur lui-même, juste avant la répression de Tian’anmen. Nous sommes revenus avec l’auteur sur ses années chinoises et sur sa sensibilité photographique.

Pourriez-vous nous expliquer le contexte dans lequel vous avez pris ces photographies ?
J’ai vécu en Chine Populaire entre septembre 1987 et décembre 1989, pour y effectuer mon service militaire en coopération. J’enseignais à Canton et j’ai profité à la fois de la proximité de Hong Kong pour être toujours équipé du meilleur matériel photographique, et des nombreuses vacances scolaires pour voyager aux confins du pays. J’ai pu ainsi saisir la profonde diversité de sa population et de sa géographie. L’économie comme la société chinoise s’ouvraient alors simultanément, jusqu’à ce que les aspirations à plus de démocratie et de liberté se heurtent à la répression de Tian’anmen. Cette période de l’histoire contemporaine de la Chine est unique parce que le pays vivait un moment de fièvre. Les Chinois non seulement accédaient à un confort matériel, mais ils découvraient leur pays et s’ouvraient au monde. C’est ce que cette exposition et cet ouvrage retracent.

Par la rigueur de leur composition, vos images font penser à Cartier-Bresson. Est-ce un photographe qui vous a influencé, lui-même ayant publié un livre sur la Chine, D’une Chine à l’autre (1954)? 
Henri Cartier-Bresson est un photographe de rue qui capte l’agitation du monde en étant à la fois le spectateur et un acteur qui se fond dans son environnement. J’admire son œuvre, notamment celle qu’il a réalisée en Chine. Comparer mon travail au sien est un honneur immense. Mais quand on a à peine 25 ans et qu’on prend un plaisir infini à photographier la rue, on ne revendique ni n’accepte aucune filiation consciente. Je photographiais comme je le sentais, sans réfléchir, partout et tout le temps, avec la spontanéité et la légèreté de ma jeunesse. Je voulais saisir des instants et des gens pour me bâtir des émotions à venir. Et sans même penser que les clichés sortiraient un jour de leurs cartons.

Qui sont les photographes dont vous vous sentez proche ?
Je ne me lasse pas d’entrer dans les atmosphères subtiles de Marc Riboud, de recevoir la force et l’humour des clichés d’Elliott Erwitt, la puissance crue, parfois brutale, de ceux de Moriyama, de pénétrer dans la noirceur de Don McCullin, ou encore de m’extasier devant la sophistication d’un William Klein, sans oublier Cartier-Bresson bien sûr, et puis aussi les portraits et les photos de groupes d’Annie Leibovitz. Mais, pour être honnête, peintres, écrivains, musiciens et cinéastes nourrissent tout autant mon imagination photographique, parce que j’interprète en images et en émotions visuelles ce qu’ils me disent, les histoires sensorielles qu’ils me content.

 

« Chine, les années enfiévrées »
Maison de la Chine, 76 rue Bonaparte, jusqu’au 21 avril 2018

Guillaume de Sardes

A propos de l'auteur

Guillaume de Sardes est écrivain, photographe et vidéaste. Il dirige la rédaction de Prussian Blue.