LA SENSUALITÉ HEUREUSE D’YVES PARADIS
PAR FRANCOIS CROISSY
Le garçon aux reflets multiples, 1987. Copyright Yves Paradis.
Les vrais amateurs connaissent depuis longtemps la galerie « Au bonheur du jour », que nous avons présentée dans Prussian blue #10. Nicole Canet vient de l’installer dans un nouvel espace, sans quitter la mythique rue Chabanais, sa rue. Pour en inaugurer les cimaises, elle présente jusqu’aux premiers jours de 2017 une merveilleuse exposition du photographe Yves Paradis, qui sera pour la plupart une complète découverte. L’activité de cet artiste talentueux, chroniqueur inspiré du monde des garçons, recouvre la décennie 1980. À partir de 1993, il ne photographie plus. Ainsi son oeuvre est-elle centrée sur l’air d’un temps qui fut pour beaucoup d’entre nous celui de l’adolescence. La peau douce et brunie des garçons d’Yves Paradis a la saveur citronnée des étés rohmériens. La lumière naturelle de ses photos diffuse une suavité si précise et si intemporelle à la fois qu’elle s’accompagne aussi bien d’un lied de Strauss que d’une chanson de Daho.
Chambre d’hôtel dans le Sud, 1986. Copyright Yves Paradis.
Pour autant, la sensualité radieuse des images n’exclut ni l’inventivité formelle, ni la rigueur de construction. Paradis s’amuse volontiers, comme avec ce motard-baigneur vêtu d’un casque et d’un slip. Plus pictural est son souvenir de Grèce, où les muscles ombrés répondent à la scansion des colonnes. Une nostalgie douce s’invite parfois, dans la série d’hommage à Cavafy, où un vieil homme digne croise de bouleversants éphèbes, ou dans la marinière d’un héros de Genet vu de dos. Et les nus de facture solidement classique ont la beauté sculpturale d’une jeunesse éternelle qui a toujours fasciné les photographes, depuis ces Allemands d’avant 1900 dont Nicole Canet est une éminente spécialiste. C’est ainsi que les photos de Paradis, sur les murs de la galerie, dialoguent avec les trésors qui, dans les tiroirs et les portefeuilles, attendent les gens de goût…
Yves Paradis : instants d’éternité. Photographies 1980-1993. Galerie « Au bonheur du jour », 1 rue Chabanais, Paris IIe, du mardi au samedi de 14h30 à 19h30, jusqu’au 7 janvier.