VITALY MALKINE, UN BANQUIER-PHILOSOPHE DANS LES PAS DES ANCIENS
TEXTE ET PORTRAIT GUILLAUME DE SARDES
Épicure est né au milieu du IVe siècle avant notre ère sur l’île verdoyante de Samos, Vitaly Malkine au milieu du XXe siècle à Pervoouralsk, une ville située sur les contreforts de l’Oural. En dépit du temps et de la distance, une filiation existe entre les deux hommes. La plus belle qui soit : une filiation intellectuelle.
Alors qu’Épicure professait que « le plaisir est le souverain bien », Vitaly Malkine entend nous débarrasser de toutes les « illusions dangereuses » (c’est le titre de l’essai qu’il vient de publier aux éditions Hermann) qui l’entravent – au premier rang desquelles sont les religions. C’est donc prioritairement à celles-ci qu’il s’attaque, textes à l’appui, citant la Bible, le Coran, les Pères de l’Église, etc. Beaucoup de passages sont assez drôles, l’érudition cédant la place à des anecdotes personnelles. Si le fond est sérieux, le ton est souvent badin. C’est que Vitaly Malkine n’est pas philosophe de formation, il l’est devenu.
À la chute de l’Union soviétique, il a fondé (avec son ami Bidzina Ivanichvili) Rossiiskii Kredit, qui devient vite la deuxième plus importante banque privée de Russie. Une réussite qui lui a permis de contenter ce qu’Épicure aurait nommé ses besoins « naturels mais non nécessaires » (« superbe maison », « bains privés », « banquets », « serviteurs », etc.). Restait à satisfaire deux besoins ceux-ci « naturels et nécessaires » : la liberté et la réflexion. Épicure et ses amis avaient introduit une innovation radicale en philosophie, en renonçant à tout emploi : « Nous devons nous libérer des entraves que sont les affaires quotidiennes et les intrigues politiques. » C’est ce qu’a fait Vitaly Malkine en cédant ses parts dans Rossiiskii Kredit.
Sa liberté conquise, il consacre désormais son temps à la réflexion. Épicure pensait qu’énoncer un problème dans la conversation ou par écrit permet d’en faire apparaître les aspects essentiels. Vitaly Malkine ne veut pas faire autre chose dans son essai Illusions dangereuses en faisant l’inventaire des entraves que les religions mettent au bonheur. C’est qu’il est attaché, comme sa vie en témoigne, à une conception de la philosophie qui était celle des anciens Grecs et que suggère encore son étymologie : philo, amour et sophia, sagesse. Vitaly Malkine « aime la sagesse » au sens où il cherche à dire des choses pratiques sur les causes de nos plus grands tourments.