DE LA POÉSIE À L’ENGAGEMENT: LA SECTION VIDÉO DU FESTIVAL PHOTOMED 2016
TEXTE ZOÉ ZERI
PHOTOGRAPHIES CHARBEL SAADE
Si la vidéo, à ses débuts, était un objet sans statut, expérimental, elle a acquis au fil du temps une place centrale dans la création contemporaine. Les plus grandes institutions n’hésitent plus à lui consacrer des expositions entières, qu’il s’agisse du Gand Palais avec la rétrospective Bill Viola ou du Schaulager avec celle de Steeve McQueen. Parallèlement, des foires ont été créées, comme LOOP à Barcelone, ou des festivals, comme la Biennale de l’image en mouvement à Genève.
Parmi les artistes utilisant la vidéo, les photographes sont naturellement les plus nombreux, tant à cause de leur aisance à créer des images, que de la récente apparition d’une fonction « caméra » sur les appareils photographiques. On ne compte plus aujourd’hui ceux qui passent indifféremment de l’image fixe à l’image en mouvement. C’est sans doute ce qui justifie la présence, au sein du festival Photomed Liban 2016, d’une section consacrée à la vidéo d’art.
L’exposition Expressions méditerranéennes. De la poésie à l’engagement a originellement été conçue par Jean-Luc Monterosso pour l’Hôtel des Arts à Toulon. Elle est ici proposée dans une version restreinte et remaniée, conçue par Guillaume de Sardes. Comme son titre le laisse deviner, elle met en avant le travail d’artistes méditerranéens, dont certains privilégient la forme, tandis que d’autres s’intéressent aux questions sociétales contemporaines. Ange Leccia et Beatrice Pediconi peuvent ainsi être rattachés au premier groupe, Danielle Arbid au second, Louidgi Beltrame occupant lui une position intermédiaire entre ces deux tendances de la vidéo d’art. En invitant Danielle Arbid et Louidgi Beltrame, qui n’avaient pas été programmé à l’Hôtel des Arts, Guillaume de Sardes semble avoir voulu infléchir la programmation dans le sens d’une plus grande narrativité.
Orage (2000) d’Ange Leccia, vidéaste français né en Corse, fait partie avec La Mer (1991) et Fumées (1995) d’une série consacrée aux éléments, notamment à leurs dimensions répétitive et picturale. Ce travail montrant la lumière des éclairs sur un ciel sombre s’inscrit dans la longue tradition de la peinture de paysage, telle qu’elle a été pratiquée au XVIIe siècle par le Lorrain ou au XVIIIe siècle par Joseph Vernet.
Avec sa vidéo (sans titre, 2015), l’Italienne Beatrice Pediconi va encore plus loin dans le formalisme au sens où ce qu’elle nous montre (des particules et des fluides en déplacement dans un espace indéterminé) confine à l’abstraction. Mais sans doute la fascination qu’exerce sa vidéo sur le spectateur tient-elle à cette indétermination, à cette abstraction même.
L’essai documentaire de Danielle Arbid, This Smell of sex (2008), semble à l’inverse s’ancrer résolument dans le réel, puisque la réalisatrice y recueille les confessions intimes de ses amis beyrouthins. Ces témoignages accompagnent cependant en voix off des images tournées en Super 8 par un inconnu, dans un étrange jeu d’écho. Danielle Arbid échappe ainsi à la plate illustration, et livre une vidéo inattendue et pleine de grâce.
Louidgi Beltrame, à travers sa vidéo Brasilia/Chandigarh (2008), s’intéresse lui aux modes d’organisation humaine tels qu’ils peuvent transparaître à travers l’urbanisme et l’architecture du XXe siècle. Son documentaire présente deux réalisations, celle d’Oscar Niemeyer au Brésil et celle du Corbusier en Inde, réalisations relevant d’une même utopie : construire la cité idéale.